Paris à l’heure d’été

Le Pavillon du Lac
Le parc des Buttes-Chaumont n’est plus la « zone louche » décrite par Aragon. Les assassinats ont cessé, le Rosa Bonheur est arrivé, et le week-end, on y pique-nique au coude-à-coude avec ses voisins. Donnant sur le lac, Le Pavillon date de 1868, tout comme les 5 autres du parc. Restauré en 2010, ce bâtiment de brique et de verre a fière allure avec sa verrière et ses terrasses ombragées. Le cadre est 6tag_180715-130117champêtre et romantique, et sous les parasols colorés, la clientèle n’est pas trop guindée. Côté bonne chère, le menu, très classique, fait la part belle à la cuisine hexagonale – magret de canard fondant et belles salades à la présentation soignée. Une addition clémente pour une parenthèse bucolique, loin du tohu-bohu. Brunch dominical attrayant avec des gaufres maison – prix à l’avenant.

Accès Mairie du 19e arrondissement
Plats entre 14 et 25 euros ; brunch à 28 euros

Ouv. mar-ven. 10h-0h ; dim. jusqu’à 20h

Ground Control
Le bar éphémère Ground Control s’est installé cet été dans un ancien dépôt SNCF de la Chapelle qui sera rasé avant la fin de l’année – soit 5000 m2 de béton et de rails entre Marcadet et Marx Dormoy. Les anciens ateliers de réparation de locomotives ont été transformés en espaces de restauration (burgers, trattoria, hot-dogs) ou en brocante, les voies sont devenues des friches à jardiner ou des terrains de pétanque. Nombreux sont les esprits chagrins à déplorer la boboïsation aigüe du lieu – on peut s’y faire tailler la barbe pour 10 balle6tag_180715-115143s, nourrir les poules, acheter des vélos de compèt à 800 euros, suivre des cours de yoga ou de jardinage. Mais en ce samedi midi, seules quelques mordues des DIY attendent l’ouverture avec impatience. Si le lieu, gigantesque, est un brin trop propret pour rappeler les rads berlinois, il en émane un charme industriel certain. En soirée, agoraphobes s’abstenir.

26 ter rue Ordener, 75018 Paris
Métro Marcadet-Poissonniers
Ouv. mer.-ven. de 15h à 0h ; sam.-dim. 11h30-0h

Etoile Lilas
Dominant le périph’ de l’Est parisien, le cinéma l’Etoile Lilas est un lieu de rendez-vous apprécié à l’heure de l’apéro – et contrairement au Louxor, vous n’avez pas besoin de passer par la case ciné. Sur le toit-terras6tag_170715-233408se arboré, esprit guinguette avec des tonneaux en guise de table et des loupiotes colorées dans les arbres – plus une vue, ultra urbaine, mais qui vaut le coup d’oeil. DJ set de bon aloi, tables de ping-pong, baby-foot, soirées salsa, concerts, la programmation est plutôt alléchante et l’ambiance toujours bon enfant. Sans doute le rooftop le moins prétentieux de Paris – et sans file d’attente interminable. Ca fait du bien !

Place Maquis du Vercors, 75020 Paris
Métro Porte des Lilas
Ouv. du mer. au dim. de 12h à 2h

Escapade à Milly-la-Forêt

A Milly-la-Forêt, village coquet situé à 50 km de Paris, tout rappelle le souvenir de Jean Cocteau (1889-1963). Dans le petit centre-ville, même le PMU local tente de rendre hommage au film Orphée. A l’entrée du bourg, la maison où le poète a vécu une quinzaine d’années – jusqu’à sa mort – est ouverte au public depuis 5 ans. Achetée en 1947, la « maison du bailli » est une ancienne dépendance du château de la Bonde attenant, dont les douves traversent le ravissant jardin planté de pommiers. Outre la collection de dessins et de photos du dernier étage, les pièces les plus intéressantes sont le salon du rez-de-chaussée, la chambre et le bureau du premier étage, qui évoque celui d’André Breton. Près du lit à baldaquin, les pipes à opium sont alignées sagement.

Ouverte mars-octobre du mer. au dim. de 14h à 19h.
Billet combiné avec la chapelle.

Non loin du centre se dresse la chapelle en grès Saint-Blaise-des-Simples (12e siècle), dernier témoin de l’existence d’une maladred6tag_120715-152406ie. Dans le petit jardin attenant sont cultivées des plantes médicinales appelées les simples, utilisées pour soulager les souffrances des lépreux. C’est aussi la dernière demeure de Jean Cocteau, qui en 1959, a décoré l’intérieur de la chapelle et dessiné les vitraux. Les murs de la chapelle sont ainsi devenus une sorte d’herbier plein de poésie où voisinent menthe poivrée et hampes fleuries. Au centre, la tombe de Cocteau a comme seul ornement l’épitaphe « Je reste avec vous ». Des visiteurs y laissent quelques roses rouges, les yeux rivés sur la dalle.

www.chapelle-saint-blaise.org

La visite de Milly serait incomplète sans une petite balade dans le bois des Pauvres. S’y dresse le célèbre Cyclop, sculpture monumentale de 22 m de haut construite entre 1969 et 1994 par Jean Tinguely et Niki de Saint-Phalle – entre autres artistes. De la bouche béante du monstre, une immense langue couverte de bouts de miroirs retombe dans un bassin d’eau. Au-de6tag_120715-163631ssus de l’entrée, vous apercevrez un gros tuyau, ancien conduit d’aération du centre Pompidou. A côté, des gisants en plâtre côtoient des compressions de César. Le cyclope se visite jusque dans ses entrailles et il est même possible d’accéder au sommet. Un univers labyrinthique aux engrenages de ferraille – des boules d’aluminium parcourent l’ensemble de cette sculpture composée de 350 tonnes d’acier.

Ouvert d’avril à mi-novembre du ven. au dim de 14h à 18h.
Visites guidées uniquement

Balade déjantée à Belleville

Dans le cadre de Paris Quartier d’été, le collectif Rimini Protokoll propose jusqu’au 8 août une drôle de balade intitulée « Remote Paris ». Ce jour-là, j’étais accompagnée de 2 amis brestois en goguette à qui j’avais vendu « une visite guidée du Père-Lachaise qui a l’air super originale ». Je me suis complètement plantée… mais on a adoré.

A l’entrée du cim6tag_290715-133509etière, ticket de métro et casque-audio sont distribués. On ne le sait pas encore, mais nous allons passer 2 heures de folie douce – tout en observant à la dérobée l’actrice Micky Sébastian, voix française de Sharon Stone, seule people du jour.

Dans le casque, c’est la voix artificielle de Margot qui retentit et nous interroge d’entrée de jeux sur notre mortalité, cimetière oblige. « Que restera-t-il un jour de toi ? » Merci pour l’ambiance. A notre grande surprise, nous quittons rapidement Le Père-Lachaise. Nous sommes maintenant « une horde », dirigée par cette voix qui nous oblige sans cesse à nous observer les uns les autres, voire à nous regarder dans les yeux – incredible. Et faire des tr6tag_290715-133350ucs super chelous : danser dans le métro, saluer les passants, faire la course, brandir fièrement notre rouge à lèvres, chanter Louise Attaque ou s’allonger dans l’herbe. Cette étrange balade nous fera finalement arpenter quelques rues méconnues du quartier de Belleville, avec une étape à l’hôpital Saint-Louis et un terminus au PCF – belle vue sur le Sacré-Coeur à la clé.

www.quartierdete.com

Rencontre avec le comédien Julien Bouanich

6tag_300615-224244C’est aux Ateliers Berthier que j’ai rendez-vous avec Julien Bouanich, une poignée d’heures avant la 57e représentation de Liliom (Ferenc Molnár), dont il joue le rôle éponyme. Le hall désert contraste avec l’animation de la veille – Liliom affiche complet quasiment tous les soirs. Cette pièce hongroise qui a pour toile de fond une fête foraine est mise en scène par Jean Bellorini, nouveau directeur du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, où elle a été jouée précédemment. Ancien élève du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Julien Bouanich a fait ses classes à l’école Claude-Mathieu. Depuis, les projets de théâtre, danse, cinéma, série TV se sont vite enchaînés. Une parenthèse enchantée avec un enfant de la balle qui incarnait déjà à 8 ans le Petit Prince au théâtre.

Tiphaine Cariou Depuis quand travailles-tu sur cette pièce ?
Julien Bouanich Depuis longtemps ! Mes partenaires de jeu sont d’anciens camarades de promo de l’école Claude-Mathieu ; Jean Bellorini y a également été élève et a animé des ateliers par la suite. Le spectacle est né dans cette école il y a 8 ans.

T. C. Qui est Liliom ?
J. B. C’est une sorte d’électron-libre qui n’a ni passé, ni futur. C’est quand il doit faire des choix que cela devient compliqué. Quand il ne sait plus quoi dire, il frappe.

T. C. Est-ce impressionnant de jouer le rôle principal ?
J. B. Au départ, cette pression inutile ne m’aidait pas à jouer. Les personnages qui gravitent autour de Liliom ont tous quelque chose à défendre. Pour moi, une représentation est avant tout un moment de partage avec le public. J’ai d’ailleurs de moins en moins le trac.

LILIOMTGP-098 - WEBT. C. Est-ce un personnage que tu as aimé jouer ?
J. B. En fait, c’est une question que je ne me pose pas vraiment. J’aime jouer dans ce spectacle, avec ces comédiens. Et raconter l’histoire de Liliom – même si c’est une pièce assez énigmatique qui déroute souvent les spectateurs, notamment par l’alternance de codes de jeu très réalistes et des scènes burlesques.

T. C. Ton jeu a-t-il évolué ?
J. B. Oui, j’espère ! Depuis les représentations au TGP, j’ai énormément gagné en lâcher prise et laissé de côté les questionnements superflus. Je fais beaucoup plus confiance à la pièce, au spectacle, à la mise en scène, aux autres comédiens.

T. C. Tu as interprété l’un des 5 séminaristes stars de la série Ainsi soient-ils pendant les 3 saisons. Comment as-tu été repéré ?
J. B. Le réalisateur, Rodolphe Tissot, a vu un film dans lequel j’ai tourné et qui était sorti dans deux salles et demi, La ligne blanche d’Olivier Torres, mais qui circulait pas mal chez les directeurs de casting. De mon côté, j’avais aimé La Tueuse, cela m’avait donné envie de travailler avec lui et son équipe. C’est un réalisateur très à l’écoute avec qui il est agréable de collaborer.

T. C. Comment pourrais-tu décrire ton personnage, Yann Le Megueur ?
J. B. C’est un pur produit de son milieu ! C’est un personnage que j’ai appris à aimer petit à petit : dans la saison 1 j’avais du mal à comprendre ce personnage si candide, pourtant je suis loin d’être cynique. Mais Yann évolue ensuite beaucoup, notamment dans la saison 3 que j’ai hâte de découvrir.

T. C. Quels sont tes projets ?
J. B. Cet été, je vais participer à un festival de théâtre dans le Maine-et-Loire et prendre un peu de temps. La tournée de Liliom est ponctuée de 20 dates entre septembre et décembre, puis nous irons la jouer 2 semaines au TNP de Villeurbanne au mois de mai. Avec des amis du Conservatoire, nous avons le projet d’ouvrir à l’étranger un lieu ouvert sur la création. C’est très excitant ! Même si ma carrière n’est pas suffisament longue pour avoir la sensation de me répéter, j’espère surtout faire évoluer mon jeu et progresser sans cesse. Le travail est infini, il ne connaît pas de limites.

Comestibles & Marchands de Vins dans le 20e

Succédant depuis un mois et demi à l’antiquaire de la place du Guignier, l’équipe de Comestibles & Marchands de Vins n’en est pas à son coup d’essai. Fort du succès d’une enseigne dans le 18e arrondissement, Anne, Daphné et Nassim ont repris la même formule qui cartonne à l’heure de l’apéro et celle du marché : dans ce bar à vins estampillé « lieu de vie et vins de ouf » on peut grignoter de bons produits bien de 6tag_300615-152636chez nous. Un petit voyage culinaire dans l’Hexagone – et ailleurs – qui accompagne gaiement la dégustation de crus d’anthologie.

La clientèle de quartier sillonne savamment entre la grande salade du jour, les tartines gastronomiques et les planches de charcuteries et de fromages. Mention spéciale pour le croque « tout truffe », élaboré avec du pain de la boulangerie La Liberté, du jambon italien à la truffe et du pecorino. « Ici on propose des plats authentiques et on travaille depuis plusieurs années avec les mêmes fournisseurs, qui sont français et italiens », explique Anne, qui officie derrière les fourneaux. Les cerises du clafoutis sont ardéchoises, tout comme certaines charcuteries. Le service est souriant 6tag_300615-152507et concerné, et la terrasse coquette – on aime la quiétude de cette petite place hors du temps. A l’intérieur, un sanglier semble veiller au grain ; dîner sur l’établi fait partie des bons usages de cette adresse gourmande. En toile de fond, quelque 150 crus font la part belle à de jeunes vignerons séduits par le bio. Si vous avez un coup de coeur, vous pouvez repartir avec la bouteille de votre choix. Idem pour la farandole de produits du coin épicerie : burrata des Pouilles, bière de Vitry, terrines, jus de fruits lyonnais, charcuterie, sardines bretonnes, etc.

Comestibles & Marchands de Vins
12 place du Guignier, Paris 20
Tél. 01 42 23 84 33
Ouv. tlj. 12h-21h30
Tartine du jour : à partir de 9,50 euros
Planches : 8 euros
Formule caviste à 13 euros

 

Pablo Picasso en BD

Commencée en 2012, la série Pablo (Dargaud) a fait couler beaucoup d’encre. Hormis un litige avec la sourcilleuse famille Picasso, elle a remporté des louanges hautement justifiées. Aux manettes de cette série en 4 tomes, un duo de choc reconnu dans le métier. Julie Birmant (scénario) et Clément Oubrerie (dessin) ont mis leur talent en commun pour raconter le quotidien du jeune peintre espagnol dans le Montmartre du début du 20e siècle, entre 1900 et 1912, attiré par la fée électricité de la ville lumière.

Les 4 albums de la série (T1 Max Jacob, T2 Apollinaire, T3 Matisse et T4 Picasso) font partager les souvenirs de Fernande Olivier, la première muse du peintre, et mêle cette romance volcanique à l’invention de l’art moderne, jusqu’à la naissance du cubisme. La série se dévore avec plaisir et fourmille d’anecdotes connues ou savoureuses : la vie de bohème sur la Butte et les soirées à la fumerie d’opium, la rencontre d’Apollinaire avec Marie Laurencin, la genèse des Demoiselles d’Avignon, la fastidieuse création du portrait de Gertrude Stein ou la rivalité Matisse-Picasso. Le premier album permet de redécouvrir le grand poète breton Max Jacob qui fait la connaissance de Picasso en 1901 et devient l’amuseur public de la Butte-Montmarte avec ses séances d’astrologie et de chiromancie. Quimpérois d’origine, juif converti au catholicisme, Max Jacob est l’auteur d’une œuvre très abondante qui a influencé toute une génération, de Cocteau à Malraux. Inventeur du poème en prose, il est mort en 1944 au camp de Drancy. « Une tête de squelette voilée de crêpe me mord le doigt. De vagues réverbères jettent sur la neige la lumière de ma mort » (Le Cornet à dés ; 1917).

Sorti en novembre dernier, Pablo : le Paris de Picasso est le dernier opus de cette série, une sorte de guide de Paris dont les 5 balades évoquent les lieux qui ont marqué le peintre. C’est à Neville Rowley, professeur à l’École du Louvre, que l’on doit la création de ces promenades qui nous refont découvrir à grand renfort d’anecdotes historiques, Montmartre, bien sûr, mais aussi la rive gauche ou les grands boulevards. Des photos anciennes et des illustrations des albums précédents achèvent de planter le décor. Le premier chapitre « En descendant la Seine » (le temps de l’Exposition universelle) est particulièrement réussi. Picasso a 18 ans et découvre Paris en 1900, année de l’Exposition universelle. La balade commence Gare d’Orléans, fu6tag_300615-194010ture gare d’Orsay, inaugurée pour l’occasion – tout comme le Grand et le Petit Palais – et mène place de la Concorde, entrée officielle de l’Exposition. Juste à côté, le musée de l’Orangerie est encore une serre où poussent des orangers. Sur le Champ-de-Mars, le palais de l’Electricité et la grande roue – qui vient tout droit de Chicago –, font de l’ombre à une tour Eiffel qui laisse de marbre les parisiens blasés.

Jean Moulin, alias Romanin

Le 27 mai dernier, l’entrée au Panthéon des quatre résistants Jean Zay, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Germaine Tillion a fait resurgir le fantôme de Jean Moulin (1899-1943). « Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège » – le discours d’André Malraux étant considéré depuis 50 ans comme « insurpassable ». Héros de la résistance française, fondateur des Mouvements Unis de Résistance (MUR), Jean Moulin a choisi, selon les mots de Daniel Cordier, « de quitter la vie par le haut, c’est-à-dire dans le silence suicidaire ».

Si sa passion pour l’art est souvent évoquée, ses talents d’artiste – caricatures, dessins humoristiques, gravures – sont largement moins connus du grand public. Commençant à dessiner dès sa prime enfance, Jean Moulin publie des dessins à l’âge de 16 ans dans des revues satiriques parisiennes. Il expose en 1922 au Salon de la société savoisienne des beaux-arts sous le pseudonyme de Romanin – 20 ans plus tard la galerie niçoise qui lui servira de couverture pend6tag_290615-204010ant la guerre portera ce même nom. Sous-préfet à Châteaulin – c’est alors le plus jeune sous-préfet de France – il se passionne pour la poésie de Tristan Corbière (1845-1875) et décide d’illustrer les poèmes d’Armor, l’un des recueils faisant partie des Amours jaunes. Sur la 7e planche consacrée au poème intitulé Cris d’aveugle, Jean Moulin dessine dans un style expressionniste un cadavre cloué sur une croix. La dernière planche illustre La Pastorale de Conlie, poème qui a pour sujet un épisode tragique de la guerre franco-prussienne de 1870. Dans une fosse commune s’en6tag_290615-203918tassent des corps décharnés d’hommes et de femmes. En découvrant cette gravure, on ne peut s’empêcher de se demander si Jean Moulin n’a pas eu une vision prémonitoire des camps de la mort. Après la guerre, Jean Moulin aurait aimé être ministre des Beaux-Arts ou peintre, selon les dires de Daniel Cordier. Mais le destin en a voulu autrement.

Déjeuner au Yard

Un peu perdue entre deux stations de métro, la petite rue de Mont-Louis cache décidément de bonnes adresses. Elle est située à quelques encablures du Père-Lachaise qui concentre comme il se doit les entreprises de pompes-funèbres. Ce jour-là, quatre corbillards s’arrêtent à l’angle de la rue. Un drôle de cortège qui repart quelques minutes plus tard vers le Panthéon.

Au fond de la ruelle, les façades du Little Paris Hanoi et du Yard se font face, dans un singulier jeu de contraste. A l’intérieur, le Yard joue la carte du bistrot sympathique, tables en marbre, grand miroir, déco un brin industrielle mais sans chichis. A l’heure du déjeuner, la petite salle est vite remplie d’une clientèle d’habitués. Dans la cuisine ouverte, une équipe sexy s’active sous la houlette du chef britannique Nye Smith.

La carte, volontairement courte, est ponctuée de 3 entrées, de 3 plats et de 3 desserts – radis, accras, onglet de boeuf et frites maison, poulet aux endives, tarte au citron. On est loin des appellations exotiques des établissements pseudo branchés. Le Yard table sur le goût et la qualité, et pour ne rien gâter les assiettes sont bien présentées. C’est sans douIMG_2587te, à l’heure du déjeuner, l’un des meilleurs rapports qualité-prix du quartier.

Yard
6 rue de Mont-Louis, Paris 11
Tél. 01 40 09 70 30
Ouv. du lundi au vendredi midi & soir
Formule midi entrée+plat+dessert 18 €

Dans les coulisses des guides de voyages

Cartoville, les petits guides malins/urbains qui se déplient, font fureur depuis l’ère airbnb-Ryanair ! Le n°2 de Carto, c’est Vincent Grandferry. 6tag_290515-145354On s’est rencontrés rue Sébastien-Bottin à 23 ans, lui commençait comme auteur et moi je finissais mon stage aux guides. Aujourd’hui éditeur, Vincent a écrit pour la collection les titres de Munich, Bruxelles, Ibiza, Saint-Pétersbourg, Varsovie, Bangkok, Tokyo, Dubrovnik, Paris et Prague. Rien que ça ! Retour sur le parcours de l’éditeur le plus baroudeur de Gallimard Loisirs.

Tiphaine Cariou  Avant Cartoville, tu as été accompagnateur pour des agences de voyages pendant pas mal d’années. C’était pour qui ?
Vincent Grandferry  Surtout pour Nouvelles Frontières et Adeo. J’étais spécialisé dans les circuits dits «Expéditions». Il fallait donc être un peu débrouillard ! Cela m’a donné l’occasion de voyager au Vietnam, au Cambodge, en Birmanie, en Inde et en Indonésie. Et deux fois en Australie !

T. C.  Quel est le souvenir que tu retiens de tous ces voyages ?
V. G  Une très grosse galère ! En Inde, je m’occupais d’un groupe d’une quinzaine de personnes et gérait bien sûr tout le côté logistique, notamment le transport en rickshaw entre les gares et les hôtels. Un jour, un conducteur a décidé d’emmener deux de mes clients dans un hôtel pour qui il travaillait – le fameux backchich. Mais une fois là-bas, on les a enfermé dans une chambre ! Je suis parti en moto avec le patron de mon hôtel, on a sillonné toute la ville. Et on a fini par les retrouver.

T. C. Tu as commencé chez Cartoville en tant qu’auteur. Peux-tu nous décrire une journée type ?
V. G.  C’est une très grosse journée ! Quand tu es en repérage, tu travailles pratiquement 24h/24, et cela pendant quatre semaines environ. En moyenne, je testais 10 et 15 adresses par jour, musées, restaurants et… boîtes de nuit ! Quand tu es auteur carto, tu es également photographe ; le téléchargement et le classement des photos prend pas mal de temps. Le point positif, c’est que tu deviens incollable sur la ville où tu séjournes. A Tokyo, j’ai eu la chance de tester pléthore de restaurants et du coup de découvrir des spécialités dingues comme le fugu, le poisson dont le poison peut provoquer une mort quasi immédiate !

T. C. Tu es éditeur chez Cartoville depuis 6 ans. Quels sont les atouts de cette collection ?
V. G. Ce sont des guides typés courts séjours qui contiennent une carte dépliable par quartier, plus une sélection de sites à visiter et d’adresses. Nous sommes les seuls sur le marché ! Les titres qui se vendent le plus, ce sont ceux dédiés aux grandes villes européennes : Londres, Berlin, Rome, Barcelone, plus New York, qui est tiré à 30 000 exemplaires. Depuis que les billets d’avion ont baissé, les gens partent plus souvent en week-end. Et ils aiment le côté pratique de ce guide.

T. C. Quels sont vos titres en cours ?
V. G. Nous sommes en train de créer des Carto « famille » contenant des adresses spécifiques. Et en janvier 2016, les Cartoville Vancouver, Glasgow et Zagreb viendront grossir le catalogue.

Liberté, « la » pâtisserie-boulangerie (Ménilmontant)

Liberté, j’écris ton nom ! Tout en haut de la rue de Ménilmontant, la boulangerie-pâtisserie Liberté a ouverte en septembre dernier, investissant les locaux où a été inventée la fameuse flûte Gana – qui fait toujours les choux gras du 226 rue des Pyrénées. Sur la façad6tag_300515-164744e en brique, la signature de Benoît Castel voisine les grandes baies vitrées. Pâtissier pendant 10 ans à la Grande Epicerie du Bon Marché, le chef breton n’en est pas à son premier coup d’essai. Fort du succès de la boutique sise rue des Vinaigriers, il attire une clientèle d’initiés pour qui la qualité prime. Le pain granola – noisettes entières, cerneaux de noix et raisins – côtoie le légendaire pain du coin, façonné en grosses pièces vendues à la coupe. Son secret ? Un levain naturel cultivé sur une base de coing. Les gourmands testeront la tarte à la crème à la chantilly d’Isigny, signature du chef, ou le bobo au rhum, à la crème fouettée. Ici, les pains au chocolat et les croissants sont constitués d’un tiers de beurre. Pas mal (sauf pour les hanches) ! Surtout quand on sait que 70% des viennoiseries des boulangeries parisiennes sont industrielles. La Liberté prône une totale transparence -thème ô combien cher à notre époque -, on peut donc assister à la fabrication du pain et des gâteaux.

6tag_300515-164139La vaste salle aux murs en brique qui jouxte le coin boutique sert d’écrin le week-end à un brunch intitulé « comme à la maison ». Le concept ? Un buffet gargantuesque – prix à l’avenant. Près des fours à bois et des stères est disposée une farandole de victuailles. Côté salé, plateaux de charcuterie et de fromage, quiches, pizzas et gratin de macaronis ne font pas l’unanimité. Côté sucré, l’offre est plus pointue, de mini beignets côtoient une mousse rose fluo, et des smoothies aux recettes audacieuses se marient agréablement avec le pain granola et la confiture maison. Le coude à coude est de rigueur – plusieurs longues tables en bois participent à l’ambiance informelle du lieu. Service tip top malgré le ballet incessant des clients.

 

Liberté Ménilmontant
150 rue de Ménilmontant, Paris 20
Tél. 01 46 36 13 82
Brunch le sam. et le dim. de 12h à 16h (27 euros)