Rencontre avec le comédien Julien Bouanich

6tag_300615-224244C’est aux Ateliers Berthier que j’ai rendez-vous avec Julien Bouanich, une poignée d’heures avant la 57e représentation de Liliom (Ferenc Molnár), dont il joue le rôle éponyme. Le hall désert contraste avec l’animation de la veille – Liliom affiche complet quasiment tous les soirs. Cette pièce hongroise qui a pour toile de fond une fête foraine est mise en scène par Jean Bellorini, nouveau directeur du Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, où elle a été jouée précédemment. Ancien élève du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, Julien Bouanich a fait ses classes à l’école Claude-Mathieu. Depuis, les projets de théâtre, danse, cinéma, série TV se sont vite enchaînés. Une parenthèse enchantée avec un enfant de la balle qui incarnait déjà à 8 ans le Petit Prince au théâtre.

Tiphaine Cariou Depuis quand travailles-tu sur cette pièce ?
Julien Bouanich Depuis longtemps ! Mes partenaires de jeu sont d’anciens camarades de promo de l’école Claude-Mathieu ; Jean Bellorini y a également été élève et a animé des ateliers par la suite. Le spectacle est né dans cette école il y a 8 ans.

T. C. Qui est Liliom ?
J. B. C’est une sorte d’électron-libre qui n’a ni passé, ni futur. C’est quand il doit faire des choix que cela devient compliqué. Quand il ne sait plus quoi dire, il frappe.

T. C. Est-ce impressionnant de jouer le rôle principal ?
J. B. Au départ, cette pression inutile ne m’aidait pas à jouer. Les personnages qui gravitent autour de Liliom ont tous quelque chose à défendre. Pour moi, une représentation est avant tout un moment de partage avec le public. J’ai d’ailleurs de moins en moins le trac.

LILIOMTGP-098 - WEBT. C. Est-ce un personnage que tu as aimé jouer ?
J. B. En fait, c’est une question que je ne me pose pas vraiment. J’aime jouer dans ce spectacle, avec ces comédiens. Et raconter l’histoire de Liliom – même si c’est une pièce assez énigmatique qui déroute souvent les spectateurs, notamment par l’alternance de codes de jeu très réalistes et des scènes burlesques.

T. C. Ton jeu a-t-il évolué ?
J. B. Oui, j’espère ! Depuis les représentations au TGP, j’ai énormément gagné en lâcher prise et laissé de côté les questionnements superflus. Je fais beaucoup plus confiance à la pièce, au spectacle, à la mise en scène, aux autres comédiens.

T. C. Tu as interprété l’un des 5 séminaristes stars de la série Ainsi soient-ils pendant les 3 saisons. Comment as-tu été repéré ?
J. B. Le réalisateur, Rodolphe Tissot, a vu un film dans lequel j’ai tourné et qui était sorti dans deux salles et demi, La ligne blanche d’Olivier Torres, mais qui circulait pas mal chez les directeurs de casting. De mon côté, j’avais aimé La Tueuse, cela m’avait donné envie de travailler avec lui et son équipe. C’est un réalisateur très à l’écoute avec qui il est agréable de collaborer.

T. C. Comment pourrais-tu décrire ton personnage, Yann Le Megueur ?
J. B. C’est un pur produit de son milieu ! C’est un personnage que j’ai appris à aimer petit à petit : dans la saison 1 j’avais du mal à comprendre ce personnage si candide, pourtant je suis loin d’être cynique. Mais Yann évolue ensuite beaucoup, notamment dans la saison 3 que j’ai hâte de découvrir.

T. C. Quels sont tes projets ?
J. B. Cet été, je vais participer à un festival de théâtre dans le Maine-et-Loire et prendre un peu de temps. La tournée de Liliom est ponctuée de 20 dates entre septembre et décembre, puis nous irons la jouer 2 semaines au TNP de Villeurbanne au mois de mai. Avec des amis du Conservatoire, nous avons le projet d’ouvrir à l’étranger un lieu ouvert sur la création. C’est très excitant ! Même si ma carrière n’est pas suffisament longue pour avoir la sensation de me répéter, j’espère surtout faire évoluer mon jeu et progresser sans cesse. Le travail est infini, il ne connaît pas de limites.

Jean Moulin, alias Romanin

Le 27 mai dernier, l’entrée au Panthéon des quatre résistants Jean Zay, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Germaine Tillion a fait resurgir le fantôme de Jean Moulin (1899-1943). « Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège » – le discours d’André Malraux étant considéré depuis 50 ans comme « insurpassable ». Héros de la résistance française, fondateur des Mouvements Unis de Résistance (MUR), Jean Moulin a choisi, selon les mots de Daniel Cordier, « de quitter la vie par le haut, c’est-à-dire dans le silence suicidaire ».

Si sa passion pour l’art est souvent évoquée, ses talents d’artiste – caricatures, dessins humoristiques, gravures – sont largement moins connus du grand public. Commençant à dessiner dès sa prime enfance, Jean Moulin publie des dessins à l’âge de 16 ans dans des revues satiriques parisiennes. Il expose en 1922 au Salon de la société savoisienne des beaux-arts sous le pseudonyme de Romanin – 20 ans plus tard la galerie niçoise qui lui servira de couverture pend6tag_290615-204010ant la guerre portera ce même nom. Sous-préfet à Châteaulin – c’est alors le plus jeune sous-préfet de France – il se passionne pour la poésie de Tristan Corbière (1845-1875) et décide d’illustrer les poèmes d’Armor, l’un des recueils faisant partie des Amours jaunes. Sur la 7e planche consacrée au poème intitulé Cris d’aveugle, Jean Moulin dessine dans un style expressionniste un cadavre cloué sur une croix. La dernière planche illustre La Pastorale de Conlie, poème qui a pour sujet un épisode tragique de la guerre franco-prussienne de 1870. Dans une fosse commune s’en6tag_290615-203918tassent des corps décharnés d’hommes et de femmes. En découvrant cette gravure, on ne peut s’empêcher de se demander si Jean Moulin n’a pas eu une vision prémonitoire des camps de la mort. Après la guerre, Jean Moulin aurait aimé être ministre des Beaux-Arts ou peintre, selon les dires de Daniel Cordier. Mais le destin en a voulu autrement.