L’assec du lac de Guerlédan

Plus grand lac artificiel de Bretagne, le lac de Guerlédan chevauche les départements du Morbihan et des Côtes d’Armor. Situé en centre Bretagne, il a été asséché pour la dernière fois il y a tout juste 30 ans. Afin d’entretenir les parties immergées de l’ouvrage, la vidange totale du lac a débuté en mars dernier – événement qui a attiré 1,5 million de visiteurs ! C’est en traversant un petit bout de la forêt de Kereven que je descends vers la vallée, quelques semaines avant le remplissage du lac. Des copeaux d’ardoise craquent sous mes pieds, les trouées du feuillage laissent entrevoir le paysage attendu. Gagné par la poésie du lieu, mon ami me glisse : « le miroir scintillant n’est plus ». Quelques minutes plus tard la vallée perdue du Blavet nous apparaît – soit 12 km rayés de la carte. Des fermes en ruine ponctuent un paysage en partie lunaire. Mais déjà, la nature a repris ses droits, offrunnamed-6ant un camaïeu étrange – rouge, vert, bleu. Des allées craquelées évoquent des voies romaines où serpentent, en file indienne, une ribambelle de curieux. Des pommiers pétrifiés, sagement alignés, pointent leurs branches vers l’azur. Juste à côté, les habitations aux pierres noircies semblent avoir été incendiées, dont la guinguette de la veuve Grisette. Tout en haut des rives abruptes, des bateaux échoués semblent narguer les vacanciers dont certains improvisent des rituels initiatiques sous les regards médusés. Au fond de la vallée, où coulait le canal de Nantes à Brest, le Blavet serpente à nouveau, reprenant son cours naturel. Le remplissage naturel du lac aura lieu à partir du mois de novembre – avis aux amateurs !

 

Le Bistrot des Soupirs, Gambetta

Bien qu’à 50 m de chez moi, Le Bistrot des Soupirs m’a toujours un peu intimidé, préférant célébrer mes anniversaires de couple (1, 2, 3, raté) au Chantefable, aujourd’hui remplacé par Les Chaises (on en reparle). Ayant changé de propriétaire il y a un an et demi, je me suis enfin résolue à jeter un coup d’oeil à l’ardoise, bien moins ounnamed-5néreuse qu’auparavant, et à pousser la porte vitrée. Aujourd’hui aux manettes, Alexandra et Bruno Bastos ont entièrement refait l’arrière-salle donnant sur le passage des Soupirs, haut lieu romantique de Gambetta, voulant ainsi créer un lieu cosy et familial. Seuls les faux arbres en plâtre encadrant l’entrée sont encore en place – mais plus pour longtemps, promis. Exit la carte faussement gastronomique, place à une ardoise déclinant quelques grands classiques de la cuisine traditionnelle française, la vraie. A la carte, seulement sept plats qui séduiront surtout les carnivores – selle d’agneau, coeur de rumsteack, rognons flambés à la moutarde, eunnamed-4tc. Le burger ne manque évidemment pas à l’appel mais quelle surprise ! Viande de boeuf d’Aubrac, cheddar, confiture à l’oignon… il a tout simplement un petit supplément d’âme. Et avec son gros cornichon en devanture, il a fier allure. Belle carte des vins et service souriant pour ne rien gâter. Le Bistrot des Soupirs a un sacré goût de revenez-y.

Le Bistrot des Soupirs
49, rue de la Chine – Paris 20
Tél. 01 44 62 93 31
Fermeture dimanche et mardi soir
Plats autour de 17 euros

Yannick Haenel, Les Renards pâles

En sortant d’une salle de réunion située à l’étage « Folio » de Gallimard, je me suis arrêtée devant l’un des petits cartons « Servez-vous » qui ponctuent les couloirs de la maison de la rue Sébastien-Bottin. Outre la biographie d’André Malraux – que je n’ai jamais lue -, je me suis emparée d’un petit bouquin de Yannick Haenel, dont je me souvenais d’avoir aimé Cercles il y a des années de cela. Profitant d’un grand moment d’oisiveté sur la ligne 4, je commence distraitement à feuilleter ma nouvelle trouvaille. Stupeur et tremblement en déchiffrant le tout premier paragraphe : « C’est l’époque où je vivais dans une voiture (…). Ca me plaisait d’être là, dans la rue, sans rien faire. Je n’avais aucune envie de démarrer (…). Je me sentais bien sous les arbres, rue de la Chine. La voiture était garée le long du trottoir, en face du 27 ». C’est-à-dire en bas de chez moi.

Après avoir été expulsé de sa chambre de bonne, le personnage principal, Jean Deichel, se retrouve à vivre dans sa R18 break pendant de longs mois, les tours du quartier Saint-Blaise comme horizon. Ses cartons rangés dans le coffre, avec un papyrus comme confident, il devient quelqu’un d’autre, dans ce nouvel intervalle de vie dont l’épicentre est son cocon automobile. Douches à la piscine des Tourelles, café aux Petits Oignons, bières à Belleville, Jean Deichel ne « devient que promenade », faisant des cercles autour de la rue de la Chine et en traquant les graffitis du renard pâle, dieu des Dogon dont lui a parlé une jeune femme rousse bien alcoolisée. Toute la 2e partie du livre, beaucoup plus politique, est consacunnamed-3rée à ces fameux renards pâles, et pour être tout à fait sincère, j’ai trouvé ça assez barré. Rue de Belleville, il va rencontrer ce groupe de sans-papiers qui portent des masques dogon et aiment faire des orgies de vodka au Père-Lachaise façon magie noire. Vie des exclus, identité perdue… les thèmes se juxtaposent et les métaphores s’enchaînent lourdement. En bref, à lire pour les 114 premières pages.